#Citation et photographie, entre désespoir et nostalgie, par Claude Rancurel
- Atelier d'écriture
- 24 juin 2020
- 2 min de lecture
« Le désespoir de celui qui se croit lâche parce qu’il a cédé à une défaillance momentanée - alors qu’il s’estimait valeureux - n’est vraiment pas une attitude humaine courante. »
Paroles de mendiant
« File loin d’ici avec ton gamin ! Tu sais lire, non ? Je sais bien que tu l’as vue, ma pancarte en carton ondulé où est écrit « J’AI FAIM ».
Tu as tout l’air de sortir de l’institut de beauté, vu les crans sculptés dans ta chevelure laquée. Tu t’es lâchement détournée, mais je te le dis ; tu n’as pas l’étoffe pour devenir star, et je m’y connais en physionomie. Disparais avec ton gamin molli dans les parfums et les teintures. Garde le ton fric, pour faire enlever tes points noirs. Je te vois d’ici : pourboire et sourires à la souris esthéticienne. Nous autres, on peut crever.
Mais moi j’ai lu Dostoievski. À toi ça n’arrivera jamais.
Paroles de conférencier
Vous pensez vraiment que la LACHETÉ se rattache de grands évènements ? Vous cultivez l’image d’un champ de bataille où le guerrier courageux se tient au premier rang quand il grêle des pruneaux, et où le lâche court se mettre à l’abri, risquant le conseil de guerre.
Un autre exemple : un homme se noie dans la Seine, mais vous, bon nageur, restez sur le pont, défaillant.
Un autre cas : dans un train, plusieurs mauvais garçons assaillent une frêle jeune fille ; vous ne faites rien, paralysés par la peur.
Dans tous les cas vous avez perdu l’estime de vous-mêmes : le désespoir surgit.
Mais avez vous songé à ces minuscules lâchetés qui furent vôtres ? Elles sont secrètement gardées, jamais racontées, intimement revécues. Lovées au fin fond de votre conscience, elles peuvent resurgir au coin d’une rue la plus tranquille.
Rodrigue as tu du coeur ?
J’attends de vous, étudiants de l’âme, une réflexion sur les petites lâchetés.
Paroles de photographe
Elle se tient devant un grand miroir ; les mains portées à son visage. Son très jeune fils l’observe. Lui se moque bien de sa propre image. Elle, de l’extrémité de l’index tâte la peau de son nez à la hauteur des yeux. Ouf ! le point noir n’y est plus. De quoi se réjouir ? Mais ne voit elle donc pas que son enfant ne sourit pas ? Il n’a de souci que d’elle ; il scrute avec sérieux ; mais aussi avec reproche cette mère pleine de satisfaction narcissique.
Aura-t- elle un remord ? Lâcheté de ne s’être intéressée qu’à elle seule.

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