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#Citation et. photographie, entre désespoir et nostalgie, par Marielle Morand

  • Photo du rédacteur: Atelier d'écriture
    Atelier d'écriture
  • 24 juin 2020
  • 3 min de lecture

« Le désespoir de celui qui se croit lâche parce qu’il a cédé à une défaillance momentanée - alors qu’il s’estimait valeureux - n’est vraiment pas une attitude humaine courante. »


19 juin 2020

Quel bazar, déménager est une épreuve. À force de vider des cartons et de ranger leur contenu, je me demande si ce n’est pas moi qui déménage. C’est lourds des livres, ça s’entasse des livres, ça refuse d’obéir à un classement logique. Les tailles ne coïncident pas avec les auteurs. Les thèmes n’épuisent pas le tas qui est devant moi. Il reste toujours des livres que je ne sais pas où mettre. Face à cette tâche dont je ne vois pas le bout, je décide de m’accorder une pause. Un petit verre ne me fera pas de mal. Un verre et la bouteille de Porto posé à côté de moi, je m’écroule dans le fauteuil qui, lui, a trouvé sa place. L’alcool me plonge dans une douce euphorie. Je prends, pour éviter de m’endormir, un vieux carnet dans lequel, j’ai inscrit des extraits de livres. Une photo qui me semble sortir d’un film d’Alfred Hitchcock marque une page couverte de citations d’André Gide. Bof ! Aucune envie de relire ces phrases que je croyais libératrices… je m’endors.


« Bonjour Madame, Vous prétendez dans la publicité qui vante vos résidences que vous offrez aux personnes accueillie une vie familiale dans le respect des individualités. Or, votre manière de recevoir ma mère hier était très cavalière. Vous ne lui avez accordé que quelques minutes, vous étiez pressée de vous débarrasser d’elle. Vous arrive-t-il de vous pencher sur le parcours de vie des personnes qui arrivent ici ? Vous ne semblez intéressée que par leur capacité à payer. Vous devez prendre en compte le fait que ma mère a été une grande actrice de la Comédie Française. Elle était très belle. Informez vous sur son parcours, regardez les photos d’elle. Ecoutez la lire des texte de Gide. Sa culture est immense. Je vous demande de la respecter. ‘‘Vieillir est un naufrage’’, disait le général de Gaulle. Vous avez accepté de la recevoir, donnez lui une fin de vie à la hauteur de vos promesses et de ce qu’elle a été. Venez la voir avec moi, suivez-moi et prenez le temps de la connaître un peu.»


« Elle dort, son visage apaisé est encore beau. Elle a été incapable de ranger ses livres, elle qui était très ordonnée. Elle a des moments d’absence où elle ne me reconnaît pas. Elle mettait sa vie en danger laissant déborder ses casseroles sur sa vieille cuisinière à gaz. Elle s’égarait dans son quartier alors qu’elle y vivait depuis quarante ans. Elle a besoin de sécurité et d’une vie régulière pour retrouver des repères. Regardez, elle tient un de ses nombreux carnets où elle notait des passages de ses livres préférés. Elle lisait du Gide avant de s’endormir. »

Il lit : « Le désespoir de celui qui se croit lâche parce qu’il a cédé à une défaillance momentanée… »

Puis continue : « Elle aimait cet auteur, regardez la photo qui lui sert de marque page. Elle a peut être vingt-cinq

ans. Ma sœur aînée la regarde alors qu’elle met ses faux cils pour un spectacle. Elle était très belle. Elle mérite votre respect comme chacun des résidents de votre établissement. »

 
 
 

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