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#Raconte-moi ton arbre généalogique #Gérard Giraud

  • Photo du rédacteur: Atelier d'écriture
    Atelier d'écriture
  • 5 juin 2020
  • 2 min de lecture

Je m'appelle Baghi, noir comme chat de sorcière...




Je m’appelle Baghi. Noir, comme chat de sorcière. Banal, me direz-vous. Ces gouttières, ça court les rues. En quelque sorte des Martin, Bernard, Thomas, Petit. Nous venons pourtant de loin : on dit qu’au moyen-âge, on nous immolait ; le Diable rôdait dans notre présence. Mais, un seul poil blanc suffisait à écarter le supplice. La rédemption s’appliquait à nous comme aux Hommes. Dieu soit loué. Je suis là.

Mais je m’égare.

Ma mère n’avait pas de nom. C’était une chatte de ruisseau, vivant de rapines de trottoirs et de marchés, Elle n’était à personne sinon au harem du matou dominant dans le quartier. Je ne sus jamais s’il était mon père : ma mère n’était ni mondaine ni même demi-mondaine. Chez ces gens-là, on ne cause pas, M’sieur. Elle mourut à mon premier anniversaire, écrasée par un camion de livraison. Son seul titre de gloire fut, finalement, de disparaître à la manière de Pierre Curie. Il y a parfois, chez les gueux et les gueuses, des élégances flamboyantes. C’est alors que je fus recueilli par le Refuge de Jouvence où je sus enjôler puis me faire une place oisive dans une maison confortable, dotée de deux domestiques efficaces. Un sacré coup d’ascenseur social. Même pas à la force de la patte. Seuls les vrais minets séduisent.

Mais je m’égare.

Ma grand-mère, elle, s’appelait Grisette. Elle n’était pas noire, elle. Mais d’un doux gris subtilement cuivré. Autant dire une Chartreuse. Noblesse de robe, donc. Il m’en est resté la conviction que je n’étais pas n’importe qui. Mon état actuel ne fait que m’ancrer jour après-jour dans cette conviction : mes domestiques me servent avec tant d’affection, tant d’admiration, tant de dévotion que je dois être un dieu. Une ancêtre orientale ? Osons le dire, pourquoi pas Bastet elle-même ?

Mais je m’égare.

D’Egypte, on voit la Perse. Rien ne m’interdit d’imaginer qu’une chatte persane, arrivée au bord du Nil à dos de caravane ait apporté quelque gêne de l’entourage félin du Grand Roi. Lequel finit par se faire appeler Roi des Rois, Shah in Shah. Tiens donc… Shah, Chat…

Mais je m’égare.

La Perse est au pied de l’Anatolie où, dit-on, s’échoua l’Arche de Noé. Alors, là, tout est permis : descendrais-je du couple mythique sauvé par le patriarche ? On en parle dans le monde des chats.

Bref, toute hypothèse est recevable. Il est juste que je sois considéré comme un dieu.

Mais je m’égare.

Je vais dormir.




 
 
 

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