#TEXTES LIBRES #Allô c'est moi, par Gérard Giraud
- Atelier d'écriture
- 23 mars 2020
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 mars 2020
Allo, c’est moi…
— Allo, c’est moi. T’es où ?
— Ben, andouille, chez moi. On est confinés. Tu savais pas ?
— Si, si. Ça va ?
— Ça va. Et toi ?
— Ça va. Ça va.
— Bon, alors, ça va ?
— Oui, oui, c’est ça : ça va. A propos… le chat…
— Le chat ?
— Oui, le chat : ça va. Il a l’air de s’en foutre.
— C’est un chat. Son esclave est là tout le temps. Il est content. Il dort, il ronronne, il ronronne en dormant, il grignote dix fois par jour. Le nirvana. Tu le confines ?
— Non, il sort. C’est pas juste !
— Ah ! La jalousie, maintenant ? Tu devrais être rassurée : quand l’écureuil est dans sa cage, il ne craint pas le chat.
— Pas drôle. C’est une métaphore ou une périphrase ? A quoi tu t’occupes, toi ?
— Tu devrais t’en douter : je suis passée du bénévolat en live au télé-bénévolat. Je rattrape le retard. Et y’en avait, du retard.
— Comment tu la trouves, ma mine ? Papier mâché ? Abattue ? Languissante ? Je languis de pouvoir ressortir : le bruit, le vacarme, se couper la parole, ne pas écouter, imposer son discours…
— Ouvre la fenêtre, tu entendras les oiseaux.
— Les oiseaux ? Ah oui, le chat : il faut que je le confine, il va se les bouffer, la sale bête.
— C’est ton chat chéri, quand même. Tu pousses. La jalousie !
— Non, non. Mais j’ai parfois l’impression qu’il de regarde en coin. Qu’il a un sourire moqueur.
— Les chats ne sourient pas. Toi, tu peux sourire. Pas ton chat.
— Je suis sûr qu’il comprend tout. S’il ne me répond pas, c’est par mépris.
— Allez, allez, la poésie et les fables, tu reprendras ça dans quelques mois. C’est un luxe pour quand la vie est un long fleuve tranquille.
— Ah, ça, d’accord, Pour le moment, le long fleuve tranquille, c’est la Neva en plein hiver. Ça patine, ça ressasse. On piétine, peut-être dans la bonne direction, mais on piétine.
— Bon, je vois que l’humour revient. C’est bien. Continue. Faut déconner !
— Hou là, faut que je te quitte. Je vais au spectacle.
— ? !??!
— La télé. Elle n’est plus menée par des journalistes mais par des clowns. Ils sont excellents dans leurs shows shakespeariens : « une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien... »
— Au fait, pourquoi tu m’appelles ?
— Je t’appelais pour que tu me donnes de mes nouvelles.
— De "tes" nouvelles ?
— Non, non de "mes" nouvelles.
En arrière, assourdi, on entend Trénet : « Y’a d’la joie, bonjour, bonjour les hirondelles… »
Clac. Biiip biiip biiip biiip…
Merci Gérard, voilà une petite conversation qui me sied parfaitement, j'aime beaucoup la référence à Shakespeare... Tout à fait à propos !