#TEXTES LIBRES #J'ai dérobé la lune, par Alain Marchand
- Atelier d'écriture
- 25 avr. 2020
- 4 min de lecture
J’ai Dérobé la Lune
Depuis le début de la nuit, la lune tout à fait ronde, couleur de mirage, se promène sur tout l’azur terrestre de l’espace et suit son chemin éternel dans l’éther, constellé de poussières. - C’est elle. - Qui ? Elle... Elle, celle qui semble muser, rêver et s’amuser. Celle qui se cache et joue au milieu des nuages. Singularité céleste et sélène, la dame au visage de cratères qui sourit, s’invite et accompagne nos pas au long de ses parcours nocturnes au rythme métronome. - Celle dont je t'ai parlé hier soir. - Sonia ? En absence de lumière ses reflets nous éclairent. Le jour est encore loin. De quel jour, de quelle date et de quel pays s’agit il ? Que lui importe. Elle flâne entre sommeil, rêves et réveil. - Non. Pas du tout. - Est-ce Christine alors ? Ses courbes la dessinent de diurne ou de nocturne. Double et simultanée. Partout et toujours elle se faufile autour de notre boule qui roule sur le fond bleu stellaire du vide universel. - C’est de la lune dont je te parle, celle que je t’ai décrochée. - Où es-tu ? Tu es loin ? De là-haut, elle nous regarde en face, sans fard, sans filtre, sans frein et parfois sans pudeur. Elle est comme une image. Et pour chaque reflet qu’elle saupoudre ou qu’elle fixe, nous nous laissons tous enjôler, aveugles à ses dangers. - Je suis au téléphone. - Je le sais bien puisque je te réponds, mais à quel endroit ?
Qui sait où vont les rêves ! Où vont les souvenirs de ceux qui ont déjà vécu plus que leur vie habituelle, plus que la vie ne le permet ? Qui sait où s’évapore le temps quand il se conjugue autrement ? - Je suis en haut de la colline, au-dessus de chez toi. - Je t’entends très lointain. Déplace-toi un peu, tu ne captes pas bien. Long croissant à croquer, filigrane de nuage ou géante rougeâtre, elle croise le soleil à des dates fixées pour des rendez-vous convenus, lentement préparés. - Lève la tête. Regarde, elle n’est plus là. - Ah ! Ça y est je t’entends mieux. Ils ont à peine le temps d’un baisemain, d’un regard enflammé, d’un clin d’œil ou même d’une éclipse quand l’astre solaire, fidèle depuis toujours, la fixe dans les yeux. - Est ce que tu vois la lune ? - Non. C’est vrai que je ne la vois plus. - Ce soir elle n’est pourtant pas voilée par les nuages. Rencontre astronomique et recel illusoire, le temps de nous remémorer que tout le système est routine dans ce ballet presque immuable ordonné pour des milliards d’années d’avance. - Tout ce baratin pour me parler de la lune ? - Tu m'as dit que tu la voulais pour toi... Compagne inaccessible et attentive, capricieuse et ponctuelle amie, belle boule ronde qui enfle ou se rétracte. Éclatante ou dissimulée. La lune sert de pendule aux horloges de la nuit. - Mais où est-elle alors ? Je ne la vois pas. - Elle est dans ma main. Nous tournons, elle et nous. Attirés et repoussés comme des vagues nourries par chacune des forces universelles. Chorégraphie exacte et spectacle immortel qui fascine les siècles. - Elle est bien trop grande pour tenir dans tes doigts ! - Mais non, tu as tout faux. Au contraire elle est toute petite. Les poètes l’ont fait rimer de quatrains en sonnets et l’ont fait chanter d’odelettes en lais. Les poètes ! Les voilà les coupables. Ils l'ont imaginée mais sans jamais la dérober. - Tu me prends pour une gourde ? C’est pas possible. - Pourquoi penses-tu cela ? C’est nous qui en faisons un astre immense parce que nous voulons y poser nos pieds.
- Et alors ? - Maintenant que je t’ai décroché la lune pour toi toute seule, pour qu'elle ne brille que ... - Et bien ? - Et bien ? - Que veux-tu que j’en fasse ?
Et Léa alla héler un autre hellène afin qu’il happe les astres hôtes blêmes et bohèmes de là-haut etc. etc. etc. Nous pouvons donc constater, après la lecture de cette brève, mais intéressante étude lunaire, que le fait de vouloir décrocher la lune est assurément un passe-temps répandu et vulgairement populaire, qui maintient les traditions et qui n’a rien perdu de sa vaine magie. Cependant, cette même analyse prouve désormais, de manière certaine, que la décrocher réellement (la lune) est tout à fait hors de propos, déplacé (c’est le cas de le dire) et incontestablement inutile et illusoire quand il s'agit de preuve d'amour. L’étude peut même suggérer que cette cueillette priverait les hommes et les femmes de toute raison de vivre ensemble. Plus rien à chercher pour les uns. Plus rien à demander pour les autres. Quelle tristesse ! Voilà. C’est fini. C’était une toute petite histoire, écrite un soir de pleine lune, dans la solitude d’une campagne sans compagne. Une ambiance parfaite pour imaginer ... P.S.... Il faut être c ... comme la lune pour croire au miracle. .... Quoi que ...etc... etc. Nos lunes tournent et tournent encore. Juin 1996
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