#TEXTES LIBRES #Une chute, par Gérard Géraud
- Atelier d'écriture
- 7 avr. 2020
- 1 min de lecture
Une chute
Le directeur était contrarié. Je le sentais. Le courrier qu’il venait de décacheter le plongeait dans la terreur. Ses yeux, habituellement mobiles, intimidants, séduisants, fixaient le document. Il le tenait à deux mains. Rare pour ce personnage de dandy flamboyant. On aurait cru qu’il s’y accrochait. Ses mains tremblaient.
Par la porte ouverte, on entendait le cliquetis d’une machine à écrire : sonneries de fin de ligne, raclement du rouleau d’avancement du papier. Le téléphone sonna dans l’antichambre. Déclic. Une voix fila une réponse monocorde. Cliquetis, sonneries, raclements. Atmosphère moite de fin d’été.
Le patron, tétanisé, ne décollait pas de sa lettre. La lisait-il encore ? La banque le lâchait. Il était à terre. Son visage ruisselait : transpiration du condamné ou larmes d’enfant ?
Jenny se retournait lentement, les yeux fixes. Le rouge envahissait ses joues. Elle avait compris. L’épouse du patron réglait ses comptes avec elle. Elle avait mis un juge au parfum : il avait trouvé ce qu’il ne devait pas voir.
Les tailleurs moulants de la secrétaire seraient bientôt des accessoires obsolètes. En tout cas dans ce bureau. Comme elle, j’étais bonne pour la réforme.
Ah ! Je me présente : UNDERWOOD 1934, clavier QWERTY.
Quelle chute !
GG – 6 juin 2014

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